Le Népal faisait partie de ma liste de pays à visiter depuis quelques temps. Papa m’avait parlé maintes fois de sa découverte de Dubar square après plusieurs jours de bus depuis l’Inde dans les années 80. Il y était ensuite retourné avec Maman à vélo fin 1990. Aller au Népal, signifiait pour moi partir randonner sur les contreforts de l’Himalaya, la plus haute chaîne de montagne du monde terrestre. Papa ayant déjà fait le tour des Annapurnas, nous voulions un circuit plus authentique, moins fréquenté. Sur les conseils d’amis, le choix s’est porté pour le tour du Manaslu.
Après plus de 50 h de voyage, l’appareil se pose à Katmandou. En partant de Paris, un mail reçu de l’ambassade de France, demandait à ces ressortissants de rester éloigner des cours d’eau en raison d’éboulements de terrain probable durant cette période de mousson tardive, le voyage commençait bien.
Pour laisser le temps aux népalais de refaire les sentiers emportés par les pluies, notre départ est décalé de deux jours. Ces journées supplémentaires seront mises à profit pour visiter la vallée de Katmandou.
En sortant de l’hôtel, ce sont de nombreuses effluves qui viennent chatouiller mes narines, encens, épices à même le sol se mélangent avec l’odeur des carburateurs de cyclomoteurs mal réglés. Le Népal, c’est une explosion de couleurs et d’odeurs à chaque coin de rue, nos repères d’occidentaux disparaissent.
Je suis impressionné par la quantité de temples dans la rue, tous plus colorés les uns que les autres. Il faut dire qu’avec plus de 4 000 dieux, il en faut des constructions pour tous les satisfaire. On repère assez vite les plus courtisés, Shiva et son trident avec pour monture un taureau, Ganesh le protecteur des voyageurs avec une tête d’éléphant et Vishnou assis sur une conque avec pour monture Garuda.
Art Newar
Papa me fait découvrir Patan, l’une des 3 capitales avec Katmandou et Bhaktapur avant l’unification du royaume au XVIIIe siècle. L’art newar s’exprime sur les temples, les artisans ont sculpté à merveille le bois et la pierre pour y représenter des divinités.
Le deuxième jour, est dédié Pashupatinath, un des lieux les plus sacrés du Népal. Comme à Bénarès en Inde, les défunts sont amenés dans un temple, pour une dernière bénédiction avant d’être brûlés sur un bûcher puis jeté dans la Bagmati, affluent du Gange, le fleuve sacré hindou. Ce matin, il y a foule, principalement des locaux qui se frayent un chemin au milieu de la fumée résultante de la combustion des corps.
En prenant, l’escalier qui permet de s’élever au-dessus du site sacré, des sadhous, sorte de prêtre hindou interpellent le visiteur pour une photo contre quelques roupies. Il faut dire que par leurs accoutrements, ils me font un peu peur. Un peu plus haut, mon regard se détourne à la vue de mutilés, mendiant sur notre passage.
La visite continue avec Bodhnath, le plus grand stupa d’Asie Les yeux de Bouddha dominent la place et la vallée avec un regard observateur. Si les temples précédents étaient hindous, celui-ci est bouddhiste tibétain. Ce temple est présent sur de nombreuses images du pays. Les pèlerins venus de tous le pays contournent le stupa par la gauche tout en tournant les moulins à prière. En s’éloignant du cœur touristique, au son du gyaling (grande trompette), nos pas nous conduisent au Shechen Terruji, un temple tibétain. Devant la salle de prière l’envie de prendre part à la puja (chant et prière) est forte. Il s’agit d’une cérémonie pour un défunt. A l’issue de la cérémonie des offrandes, composées d’aliments (gâteaux, boissons…) sont brûlés dans un grand chaudron. Qu’en pensez dans un pays où la nourriture peut manquer ?
Le jour du départ pour le trek est arrivé. Basanta sera notre guide durant 12 jours, son niveau de français très correct permet d’échanger en attendant le bus autour d’un thé. Âgé, seulement de 27 ans, Basanta accompagne les randonneurs depuis 10 ans. Entre les saisons de trek, il étudie à l’université espérant un jour venir en France pour travailler.
Trek du Manaslu réalisé à pied
Nos sacs seulement coincés sur la galerie, le bus s’extrait de l’immense agglomération de Katmandou, c’est un flot continu de camions sur les 200 kilomètres entre la capitale et Pokhara, la seconde ville du pays. La route est en chantier constant, refaite au gré des éboulements de terrain. Le trajet passe par Gorka, puis Arhugat. De part et d’autre les riz mûrs commencent à être récoltés. Le chauffeur reste stoïque malgré une route difficile, j’admire sa dextérité. Avant de rejoindre Soti khola (730 m), le village de départ, faute de pont, la route passe par une rivière, où l’eau vient lécher la porte du bus.
Rizière
Le repos est bien mérité après 9 h de bus. On fait la connaissance d’un groupe de tchèque, accompagné d’un guide et deux jeunes porteurs. Le trek se fera ensemble et nous apprendrons ainsi à nous connaître.
Le « GR » emprunte les chemins des villageois, les enfants rejoignent la route, où le bus les emmènera à Katmandou après quelques jours de fêtes en famille. Plus loin, nous sommes doublés par des cyclomoteurs et des 4x4 qui montent des trekkeurs. Randonner au Népal, rime avec ponts suspendus. Même si les ponts en bois cèdent la place à des structures métalliques plus solides, la première traversée reste marquée en moi, je préfère ne pas m’arrêter.
Le midi, c’est dal bhat, un plat de riz accompagné d’une soupe de lentilles, d’épinards, de pommes de terre et de choux en curry. Cet unique plat à volonté apporte l’énergie nécessaire à nos 5 h de marche quotidienne.
Traversée à pied où à dos d’âne
Premier arrêt à Khorlabesi à 970 m chez un pisciculteur, ce soir c’est truite fraîche.
Notre groupe continue de marcher sur la piste, les cascades sont de plus en plus nombreuses, il faut passer parfois dessous comme dans Tintin chez les Incas.
Beaucoup de groupes partant de Salleri, le flot quotidien de randonneurs augmente doucement. Le chemin est détruit sur plusieurs portions, même Basanta ne trouve pas toujours facilement un itinéraire pour contourner les éboulements. Coupons à travers les bambous pour descendre le long du torrent avant de remonter sur un gros tas de sable instable, la moindre erreur de notre part, tout peut s’écrouler de nouveau entraînant notre groupe dans le flot impétueux du torrent.
Les efforts sont récompensés par la vue, dans notre dos, le Ganesh Himal recouvert d’un voile de brume et devant le Shringi Himal à 6 000 m. On dort à Dyang à 1 800 m. Les logements chez l’habitant ont laissé place à de petits hôtels de montagne, il y a une douche souvent froide pour plusieurs logements. Après 20 kilomètres de marche, on aime se retrouver dans la salle à manger pour se réchauffer autour du poêle tout en buvant un thé. Je m’autorise souvent un tour dans la cuisine pour apprendre les mets locaux. Avec peu d’ustensiles, les népalais font des miracles, à la carte des lodges, riz frits, noddles, lasagne, pizza et pancakes au petit déjeuner.
Les villages sont de plus en plus beaux, le béton de la vallée s’efface au profit d’un habitat traditionnel en bois et en terre. Les chörtens, temple bouddhiste sur le chemin, sont érigés avec des pierres gravées et souvent des moulins à prières que les randonneurs font tourner tout en chantant « om ma né padme hum ». Afin de ne pas vexer les dieux, ces lieux de recueillement se contournent toujours par la gauche. Selon Basanta, c’est notre respect des divinités, qui nous assure le beau temps durant la journée. Au-delà des 2 500 m, la végétation de feuillus disparaît au profit du pin de l’Himalaya.
Chörten
Après avoir traversé les villages de Lihi et Lho, le sentier s’élève au delà des 3 000 m Le Manaslu, du haut de ses 8 160 m, se laisse enfin apercevoir. A 3 200 m, le circuit pénètre le territoire des yacks. L’arrivée à Shyala (3 500m) est grandiose avec une vue à 180 degrés sur le Manaslu. De nouveaux lodges se construisent. Les habitants rentrent avant que la nuit tombe tandis que les femmes sont à battre l’orge au fléau.
Départ matinal vers le glacier, le circuit chemine à travers églantiers et myrtilliers, puis une moraine avec de nombreuses rivières. Tout en cheminant vers le monastère de Pung Gyen Gompa, nous traversons une prairie à yacks. Le cirque est entouré par une chaîne de montagne enneigée à plus de 8 000 m, des bruits assourdissant viennent rompre la quiétude, ce sont des avalanches sur les pentes du Manaslu.
Le lendemain matin, j’ai la surprise de retrouver le linge laissé à sécher sur le fil, tout raide, il est gelé. Je l’étale au soleil avant de le ranger. Avant de petit déjeuner, nous profitons des premiers rayons de soleil éclairant le village de Samagaun. Ces populations vivent en autosuffisance dans une grande pauvreté. Les yacks dorment dans l’étable au rez-de-chaussée, permettant ainsi de chauffer l’habitation située à l’étage.
L’étape du jour conduit à Samdo (3 875 m), nos voisins à l’auberge, sont un groupe de quatre jeunes français vivant en colocation, la dernière ascension se fera ensemble.
Dernière ligne droite pour le camp de base du Manaslu à 4 500 m. Au loin, se laissent apercevoir des moutons bleus (caprins des montagnes) et des aigles. C’est aussi le territoire de la panthère des neiges comme l’indique un panneau. Au camp, à 11 h nos affaires sont déposées dans un algeco, qui semble être construit à partir de panneaux de chambres froides industrielles. Le logement est partagé avec des danois, tandis que les guides dorment dans des tentes.
L’après-midi est longue dans le bâtiment de la cuisine, à lire, dans le froid au milieu des odeurs de mazout du groupe électrogène vieillissant. Une migraine, due au manque d’oxygène, s’installe. Serais-je en capacité de faire la dernière ascension demain ? La douleur est maintenue à un niveau supportable par la relaxation.
Cirque du Manaslu
Départ dans la nuit, la douleur de la veille s’est envolée. Bien emmitouflé dans nos vêtements et par l’exaltation de l’ascension, nous n’avons pas froid, c’est même une sensation de chaud qui m’envahit. Ce n’est qu’une impression, la température est bien négative, ma gourde pleine de glaçons en témoigne. À la lumière de la frontale, nos pas suivent les traces des précédentes ascensions. Gare à ne pas sortir du parcours, au risque de s’enfoncer dans la neige jusqu'à la taille.
Le groupe des quatre jeunes français me rejoint, nous grimpons ensemble. Notre groupe se retrouve en tête. A la lueur des premiers rayons de soleil, entre neige et roches, les quelques photos transportent notre équipe sur la lune. Un long moment seul, je me laisse aller à la rêverie. Grand lecteur de Tintin, je cherche les traces du Yéti. Il est facile d’interpréter la moindre trace comme empreinte d’un gros singe. Dans la pénombre, il me semble voir passer un gros chien, peut-être une jeune panthère des neiges.
Sur les derniers mètres, le sol est glacé, la pose des crampons facilite mon avancée. En dépit des arrêts réguliers pour boire et filmer, j’arrive en tête sans forcer au Larkye Pass (5 160 m), symbolisé par les nombreux drapeaux à prières. Basanta et le groupe de tchèque ne tardent pas à me rejoindre. Le temps est magnifique. Papa arrive heureux, je l’accompagne sur les derniers mètres. La descente est périlleuse, malgré les crampons, certains passages sur la neige sont glissants. Notre pérégrination est interrompue par un troupeau d’ânes qui monte au col. Les animaux glissent sur la glace par le poids du chargement. Exténué par la descente, c’est un repos bien mérité à Bimthang. Le lodge est l’un des plus propres du voyage. Les chalets en bois aux allures scandinaves, sont cosys, on apprécie une douche même froide.
Larkye Pass
Une journée de marche supplémentaire permet de rejoindre Dharapani. Ce village fait la jonction avec le tracé du tour des Annapurnas. Il est convenu d’effectuer la fin du circuit en mahindra pour éviter deux jours de marche sur une piste fréquentée. À l’avant s’assoient le chauffeur et deux tchèques, et à l’arrière sur la banquette trois places, les deux autres tchèques, papa et moi-même. On doit se serrer pour fermer la porte, au point que l’un de nous n’est assis que sur une fesse Les deux guides et les deux porteurs se retrouvent assis sur les bagages dans la caisse du pick-up. On nous promet 2 h pour rejoindre Beshi Sahar, ce sera plus tôt 4 h sur une piste à flanc de falaise entre cascade et éboulis. Les premiers kilomètres sont source d’amusement, notre groupe ne fait que passer. Ce n’est pas le cas des népalais, qui empruntent ce chemin plusieurs fois par mois. Après deux heures, les visages se crispent. Etonnement, on arrive toujours à croiser les véhicules montant. Parfois, il faut manœuvrer pour contourner un bloc rocheux écroulé sur la piste. À l’approche, d’un poste de police, nos guides et porteurs assis à l’arrière descendent, traversent le point de contrôle à pied pour remonter 300 mètres plus loin.
Les passages de village sont source d’animation en cette période de fête, à l’aide d’une corde, de jeunes filles bloquent la circulation. Contre quelques roupies, le groupe réalise des danses traditionnelles et l’on vient apposer sur notre front un Tika. A Beshi Sahar, changement de véhicule pour un minibus qui nous conduira à la capitale.
Après quelques kilomètres, un bruit se fait entendre sur la galerie du bus, une corde mal attachée ! Le bus ne roule qu’à 30 km/h. Le chauffeur ne semble pas s’en inquiéter quand une patte de chèvre apparaît le long de la vitre. Il y a deux chèvres sur le toit. Plusieurs arrêts seront nécessaire pour les rattacher Elles auront fait 7 h de bus en vie à ma grande surprise. Les 150 kilomètres se font dans un trafic dense ininterrompu. De retour en ville, la population est sur son 31 pour la fête du Tihar, la fête des lumières. Des mandalas sont dessinés devant chaque habitation, des bougies conduisent le voyageur vers les cours intérieures. Il y a des similitudes avec les décorations de noël en Europe.
Le lendemain, nous visitons le durbar square de Katmandou. La foule conduit au palais de la Kumari, après vérification que personne ne prendra de photo, une jeune fille se présente à nous dans un châle coloré. Il s’agit de l’incarnation vivante de la déesse Parvati. Les conditions de vie de ses jeunes filles sont souvent remises en cause. Depuis, la chute de la monarchie en 2008, elles reçoivent une éducation sommaire. Malheureusement, une légende tenace veut qu’un homme épousant une Kumari meurt dans l’année les empêchent de se marier. Les derniers jours seront passés à Bakthapur ou l’on profite du calme de la ville avant de revenir à Katmandou prendre notre avion.
CONTACTS :
Nous avions réservé le trek avec l’agence francophone Napoléon Trekking, Nous sommes très contents du service ainsi que de notre guide Basanta KC.
EN PRATIQUE :
Comment s’y rendre : Pour se rendre à Katmandou en avion, il faut passer par Istanbul, Abu-Dhabi ou Dehli.
En 2022, 1 euro vaut environ 125 roupies.
Le décalage horaire est de 3,45 heures en été et de 4,45 heures en hiver.
Se loger : On peut se loger pour 8 €/jour si l’on accepte quelques concessions sur le confort.